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J’ai passé ma vie
Dans le fracas des pierres
Les grues, les poulies
Le ciment et la poussière
On était tous nés
Dans le même village
On a émigré
De l’espoir dans nos bagages
Lorsque les Français
M’appelaient « Reggiani »
Ça les amusait
Je n’avais pas compris
Au fil des années
J’ai appris à connaître
Les vraies amitiés
Et ce qui n’est que du « paraître »
Chez vous on dit Antoine
Chez moi c’est Antonio
Mais sur chaque chantier
C’était le même refrain
Moi j’étais « l’Italien »
J’ai longtemps dit « chez vous »
Avant de dire « chez moi »
Chez vous, c’est moi qui l’ai construit
Avec ceux de mon pays
De l’entreprise « Astaldi »
Des accidents sur les toits
J’en ai eu comme les autres
La chance était avec moi
Mais j’ai vu partir l’un des nôtres
Dans la chaleur et le bruit
J’ai usé mes forces
La vieillesse m’a pris
Dans sa rugueuse écorce
Elle est loin mon Italie
Mais on a les yeux qui brillent
Quand au cœur du Mont-Mesly
On se la chante en famille
Chez vous on dit Antoine
Chez moi c’est Antonio
Mais sur chaque chantier
C’était le même refrain
Moi j’étais « l’Italien »
Je renoue avec mon enfance
Je savoure chaque pas
J’aime écouter le silence
Qui me manquait autrefois
Regarder couler la rivière
Entendre chanter les oiseaux
Respirer l’air sans la poussière
Aimer la vie, ce qui est beau
Aujourd’hui le quartier vacille
On démolit pour rénover
Mais ces vies que l’on éparpille
Moi je sais qu’elles ont compté
J’ai connu des familles heureuses
Et sous les murs que l’on détruit
J’entends des histoires chaleureuses
Et ma jeunesse qui s’enfuit
Au milieu, quelques tours subsistent
Que je suis fier d’avoir bâties
Et ces souvenirs qui résistent
Je ne veux pas qu’on les oublie
Vous pouvez m’appeler Antoine
Je reste à jamais Antonio
Gardant de mes montagnes
Le goût des cimes étoilées
Et ma liberté d’ouvrier
Paroles : Christiane BÉLERT
Musique : Patrick PERNET